Récit de la séance du 15 juin 2006 sur la Suggestopédie, animée par Lonny Gold pour la GARF-Île de France dans le cadres de ses reunions Horizon – rédigé par Lonny lui-même
NB – Au cours de cette séance, Lonny Gold nous a initiés à sa discipline (la suggestopédie) au travers d’un certain nombre d’activités dont il a bien voulu nous livrer quelques clefs. Ce compte rendu est, en fait, l’histoire de cette matinée par celui qui en a été l’animateur…
Encore merci à lui.
Dominique Paty
Suggestopédie : la puissance de l’invisible ?
Afin de récompenser celles et ceux qui sont arrivés à l’heure sans trop pénaliser les retardataires – et il y en avait ! – Lonny Gold a commencé la séance en nous parlant de son parcours personnel :
Lonny par Lonny…
Anglophone de Montréal, il a « fait » Sciences Politiques, mais, en fait, il aurait préféré « faire » Psychologie. Malheureusement, dans l’Amérique de l’époque, ce sont les « comportementalistes » qui sévissaient dans les facs de psycho, et les étudiants étaient obligés, pendant deux ans, d’étudier les rats avant d’avoir droit de se pencher sur leur premier humain!
Après sa licence, Lonny a quitté le Canada et s’est installé à Londres où il est devenu professeur d’anglais et de sociologie dans un lycée. Nous sommes en 1968.
Deux ans plus tard, Lonny pensait faire la même chose à Paris, mais il s’en est trouvé empêché par une Education Nationale qui ne voulait pas de lui au motif qu’il n’avait pas de diplôme français attestant sa capacité à parler l’anglais. Il s’est rabattu sur une école de langue dans le quartier latin où il est devenu professeur d’anglais pour des adultes. Assez rapidement, il est parti enseigner à l’université de Paris I (Sorbonne-Panthéon) et ensuite à l’ESSEC où il a été professeur à temps plein entre 1975 et 1978, puis vacataire jusqu’en 1982.
En 1977, il a commencé à se former à la suggestopédie, une approche pédagogique nouvelle qui active les capacités de réserve de l’inconscient. Entre 1978 et 1984, il est professeur à l’Ecole Française de Suggestopédie, et, de 1984 à 1998, a dirigé son propre organisme de formation «Trajectoires Associées », qui assurait des formations en langue et à la communication pour des entreprises françaises.
Entre 1986 et 1992, il a formé beaucoup de professeurs en Europe de l’Est. Son activité s’est ensuite déplacée vers les Pays-Bas (1994-2001), et en 2002, il a principalement travaillé pour le Ministère de la Planification Economique en Chine.
Depuis 2000, il habite le nord de la Suède et va au travail en avion.
A l’heure actuelle, Lonny anime, en France, des stages de langues, d’interculturalité, de communication et de négociation, de prise de parole en public ainsi que des formations de formateur. Il intervient aussi en Angleterre, en Suède, au Québec, à Chypre et à la Réunion, et forme des professeurs au Danemark et en Finlande. Il est certifié et reconnu comme formateur en Allemagne et aux USA.
Pour ses vacances, Lonny reste chez lui, dans sa très vieille maison en bois, au pied d’une grande colline, à 550 kilomètres au nord de Stockholm.
Une fois que les retardataires étaient arrivés, Lonny nous a parlé des 4 principes fondamentaux de la Suggestopédie :
1 – Tout ce qui se passe dans une formation est considéré comme positif – y compris les erreurs faites par les participants. Il en découle que chaque faute est une vraie occasion de révélation et d’apprentissage de quelque chose de nouveau. Personne ne devrait jamais se sentir ridicule ou coupable parce qu’il s’est trompé.
2 – Ce qui est perçu pas les stagiaires de façon non consciente doit être, autant que possible, prévu et organisé par l’animateur : ce sont justement ces perceptions périphériques (informations d’intensité trop faible pour mobiliser notre attention consciente) qui forgent nos attitudes profondes et déterminent s’il y aura ou non apprentissage. En plus, ces informations de faible intensité – qui ne font appel qu’à notre perception périphérique – ont un plus grand impact sur la mémoire à long terme que les informations de forte intensité (= se produisant de façon manifeste) qui captent toute notre attention, et vont se loger plutôt dans notre mémoire à court terme.
3 – Un climat sécurisant induit une plus grande ouverture et donne envie aux apprenants de prendre des risques. Dans un tel environnement, le fait de doter tout apprentissage d’un contenu affectif favorise l’accès à la mémoire à long terme qui, elle, est plus sensible aux émotions qu’aux raisonnements. Par contre, dans un environnement où c’est la peur qui règne, le corps lâche de l’adrénaline et du cortisol, ce qui empêche le sang d’alimenter le cerveau mammifère et le cortex ; l’individu se retrouve en mode de survie, état dans lequel aucun apprentissage nouveau n’est possible. Dans un environnement sécurisant, le fait de doter tout apprentissage d’un contenu affectif favorise l’accès à la mémoire à long terme qui est plus sensible aux émotions qu’aux raisonnements.
4 – L’assimilation doit précéder l’analyse. Dans cet ordre, cette dernière contrôle et renforce ce qui est déjà acquis. L’inverse – annonce d’emblée du degré de complexité de l’apprentissage de quelque chose – aboutit à mettre en place un blocage (analyser un enseignement avant de l’assimiler peut freiner le processus d’acquisition – ce dernier principe est plus vrai pour certaines matières que pour d’autres).
NB – La Suggestopédie est une démarche pédagogique qui s’applique à toute matière – même si, en France, elle est surtout connue dans la formation linguistique (voir le jeu suivant par exemple).
Premiers jeux…
Apprendre les prénoms
des membres d’un groupe….
[NB – il y avait quelques nouveaux et, surtout, nouvelles, cette matinée là].
L’activité en question fait appel au visuel, à l’auditif et au sens kinesthésique (= le mouvement). Tous les participants, debout, forment un cercle. Ils tapent ensuite alternativement deux fois du pied droit et deux fois du pied gauche, de façon rythmée. En même temps qu’ils tapent du pied gauche, ils frappent leurs deux mains, l’une contre l’autre, comme si ils applaudissaient. Une fois ce rythme bien établi, Lonny scande (fort) son nom pendant la phase « pied droit » (Lo – ny), et le groupe répète, immédiatement, son nom pendant la phase « pied gauche-applaudissement ». La personne, située à gauche de Lonny, fait ensuite la même chose, et y ajoute son nom de la même manière, et ainsi de suite. Le tout se fait très rapidement, plusieurs fois, dans le sens des aiguilles d’une montre, et dans le sens inverse.
[NB – C’est là que les voisins du dessous se sont plaint !]
– Lonny a attiré notre attention sur un principe pédagogique important : rien ne s’apprend très bien si les mêmes informations ne sont pas présentées d’au moins deux – et de préférence, trois – façons différentes. Et il a tout de suite enchaîné avec un jeu où les participants doivent se lancer une balle dans n’importe quel ordre, en se nommant quand ils la reçoivent. Puis, la règle du jeu s’est transformée pour que le « receveur » demeure silencieux au moment où il attrape la balle, et, cette fois, ce sont les autres participants qui devaient dire le nom du receveur.
– Pour le troisième jeu – toujours avec le même objectif d’apprentissage des prénoms du groupe – les participants sont debout en cercle, mais tournés vers l’extérieur du cercle, de manière à ce que personne ne puisse voir les autres. L’animateur demande au groupe de se rappeler le nom de la personne située à gauche de l’animateur, puis à la gauche de celle-ci, et ainsi de suite. Quand le groupe a pu se rappeler les prénoms dans l’ordre – ce qui se fait assez rapidement – le jeu est renouvelé dans le sens inverse, avec le même taux de réussite.
Un principe important est à noter : l’ensemble de ces jeux est mené à une cadence très rapide afin que personne n’ait une seconde pour penser à autre chose. Ceci s’inspire du fait que ce n’est que quand les personnes sont devant une tâche nécessitant 120% de leurs capacités habituelles qu’elles entrent en « état de fluidité » (flow state).
Création du groupe (ice breaker)…
Chaque participant se voit remettre une liste d’actions (cf. liste ci-dessous) et doit mettre le prénom de quelqu’un du groupe qui fait cette action sur la feuille en face de chaque phrase descriptive. Debout, comme dans un cocktail, les gens circulent et se posent mutuellement les questions. Lonny a pris soin d’annoncer, au début du jeu, que la personne qui remplirait toute la feuille la première sera la « gagnante », mais, en fait, personne ne s’en soucie, une fois l’activité lancée.
Voici la reproduction de la feuille en question :
Trouvez quelqu’un qui…
S’énerve quand le bouchon du dentifrice n’est pas remis | XXXXXXXXXXXX |
Lave sa voiture tous les week-ends | |
A la photo de sa famille sur son bureau au bureau | |
Est propriétaire d’une maison de campagne | |
A visité les Etats-Unis | |
A plus de 4 frères et sœurs | |
Fait du vélo de façon régulière | |
A bu du champagne depuis le début du mois | |
Est parti en vacances en Allemagne | |
A travaillé dans une compagnie de transport | |
A sauvé la vie de quelqu’un | |
Est passé à la télévision | |
A été scolarisé dans un établissement religieux | |
A fait son service militaire en dehors de la France | |
A écrit un poème d’amour | |
Parle 3 langues ou plus | |
Est tombé amoureux de quelqu’un de nouveau en 2006 | |
Porte un pyjama au lit | |
A travaillé à l’étranger | |
A donné sa démission dans une société où il travaillait | |
A visité quelqu’un en prison | |
A gagné de l’argent au Loto | |
A serré la main d’un ministre, président, roi ou reine | |
A publié un article dans un journal |
Cette activité, relativement classique en elle-même, a le mérite de faire bouger les gens, et ainsi, leur faire comprendre que, pour ce type de jeu, il vaut mieux se déplacer et être physiquement actif plutôt que rester assis et passif, la liste ne constituant qu’un prétexte structuré pour faire connaissance les uns avec les autres.
Une activité où il est démontré que dans toute situation de communication réelle*, c’est celui qui écoute, et non pas celui qui parle, qui détient le pouvoir…
* C’est-à-dire avant que l’un des protagonistes n’abandonne tout espoir de communiquer et décide de faire passer son idée en force, sans trop s’occuper des états d’âme de l’autre.
L’animateur répartit le groupe en binômes. Dans chaque binôme, il y a une personne qui parle, et l’autre qui ne fait qu’écouter, sans dire quoi que ce soit.
La personne qui parle doit parler d’un sujet « bateau » comme :
- décrivez vos dernières vacances
- décrivez votre maison
- racontez l’histoire d’un livre que vous avez lu
- décrivez votre homme ou votre femme idéal(e)
- décrivez votre collègue le plus difficile
- décrivez quelqu’un que vous admirez beaucoup
- racontez votre rencontre avec votre partenaire….
La personne qui doit écouter sans parler a reçu des instructions secrètes qu’elle ne doit, à aucun moment, divulguer à son partenaire. Ces instructions lui indiquent l’attitude à adopter pendant la présentation de l’autre. Exemples de ces instructions :
- vous êtes complètement fasciné par votre interlocuteur et vous voulez en apprendre le plus possible. Chaque mot qu’il prononce a un profond retentissement pour vous.
- Vous aimeriez que cette personne disparaisse. Tout ce qu’elle dit entre par une oreille et sort par une autre
- Cette personne est exactement comme votre ex – ou un frère ou une sœur que vous haïssez. Une sourde colère vous submerge quand elle parle.
- Vous n’entendez pas un mot ce que cette personne dit. Vous êtes passionnément amoureux(se) d’elle et vous vous laissez enivrer pas sa présence.
- Vous êtes fasciné(e) par le sujet, mais votre interlocuteur s’exprime trop lentement pour votre esprit vif. Vous ne supportez plus cette lenteur. Vous aimeriez le secouer.
La consigne donnée aux binômes est la suivante : la personne qui parle a 90 secondes pour présenter ce qu’elle a à dire, mais l’autre doit rester silencieuse avec, en tête, ce qui lui est dicté dans ses instructions secrètes.
Après ces 90 secondes, l’animateur, comme convenu, intervient brusquement pour arrêter la dynamique en cours et pose au conteur les questions suivantes :
- est-ce que c’était facile ou difficile de raconter à votre partenaire ce que vous aviez à dire ?
- si c’était difficile, par quelles sensations s’est traduite cette difficulté ? (ex : avez-vous ressenti un obstacle ou une résistance physique à vos propos ? aviez-vous l’impression d’oublier ce que vous vouliez dire ? etc.)
- pensiez-vous que votre partenaire vous aimait bien ? ou ressentiez-vous plutôt une certaine antipathie de sa part ?
- aviez-vous la sensation que votre récit intéressait votre partenaire ou non ?
Après ce feedback structuré pendant lequel le conteur peut partager son vécu avec le groupe, son interlocuteur va pouvoir, pour la première fois, dévoiler ses instructions et le pourquoi de son attitude. Comme indiqué plus haut, le but de ce jeu est de recadrer la communication pour constater que dans une situation de vraie communication le pouvoir réside chez celui qui écoute plutôt que chez celui qui parle.
Démonstration d’une application concrète de la suggestopédie – un cas appliqué à l’anglais
Lonny distribue le texte suivant qui est un texte de langue anglaise, niveau « pré-intermédiaire ». Comme vous pourrez le constater, le texte en anglais est à droite et la traduction en français à gauche.
Une leçon type propose un texte de 10 pages environ (l’échantillon ci-dessous représentant environ une page). Normalement, la présentation de ce texte demande 90 minutes, plus 4 heures et demi « d’activation » de la grammaire et du vocabulaire sous forme de jeux, d’activités ludiques, de chansons et de sketches, suivis d’une séance de relaxation.
En plus du texte, chaque participant est doté d’un stabilo pour lui permettre de surligner tous les mots qui lui semblent nouveaux, ou intéressants pour une autre raison. On peut aussi utiliser plusieurs couleurs de stabilo pour personnaliser encore davantage le texte.
Les participants sont invités à suivre le texte en même temps que l’animateur le lit tout haut, pour que l’apport visuel coïncide avec l’apport auditif (Lonny apportera ensuite un certain nombre de commentaires). Il faut savoir que la suggestopédie est une démarche qui fait appel à l’inconscient, et que les choses les plus importantes sont le plus souvent cachées.
RIRA BIEN QUI RIRA LE DERNIER Mercredi 1er avril, 2006 (Le jour du poisson d’avril) |
HE WHO LAUGHS LAST LAUGHS BEST Wednesday, April 1, 2006 (April Fools’ Day) |
DANS UN AUTOBUS Alice a loué un car pour emmener tout le monde à une présentation de mode. |
ON A BUS Alice has chartered a bus to take everybody to a fashion show. |
Ils partent pour la salle d’exposition sur le quai des Pêcheurs. | They set out for the Exhibition Hall on Fisherman ‘s Wharf. |
R.P. Quelle ville ! E.S. Je suis amoureuse de San Francisco. |
R.P. What a city! E.S. I’m in love with San Francisco. |
L.W. Les rues sinueuses et les hôtels particuliers de l’époque victorienne. | L.W. The winding roads and Victorian mansions. |
E.W. Leurs teintes pastel atténuées, encadrées de couleurs vives. R.P. Et leurs intérieurs majestueux, meublés du mobilier ancien le plus élégant. |
H.W. Their subdued pastel shades trimmed with bright colors. R.P. And the stately interiors, furnished with the most exclusive antique furniture. |
B.P. Le jour et la nuit par rapport aux co-propriétés de Los Angeles. E.S. San Francisco est un mélange hors du commun de buildings, d’habitations individuelles vieillottes – fantastiques et de beauté naturelle. |
B.P. A far cry from the condominiums in Los Angeles. E.S. San Francisco’s an outstanding mixture of high-rise buildings, quaint private dwellings and natural beauty. |
L.W. Et les couchers de soleil sur le l’océan Pacifique ! L.A. Ces collines me donnent le vertige. |
L.W. And the sunsets on the Pacific! L A. These hills make me dizzy. |
E.S. Son désert d’Arizona manque à Lou. | E.S. Lou misses his Arizona desert. |
Remarque importante concernant la traduction figurant dans la colonne de gauche : elle se justifie, bien entendu, pour aider les élèves les moins forts à ne pas se sentir « largués ». Mais, il y a une chose aussi importante : les élèves les plus doués auront du mal à s’empêcher de lire la traduction en français « pour vérification »… et en conclure qu’ils n’avaient pas besoin, en fait, de cette aide. Ce sera avec une petite pointe d’exaspération qu’ils constateront qu’ils sont tellement bons qu’ils ont tout juste sans besoin de la traduction. Ceci les amène à développer d’eux-mêmes une image positive. Dans une démarche comme celle de la suggestopédie, un des objectifs importants de l’enseignant est d’inculquer aux apprenants une grande confiance dans leurs propres capacités. Il s’agit là d’un processus capital dans la redéfinition chez les apprenants de ce dont ils sont capables, et de ce qu’ils sont.
(Sur ce principe, un petit aparté : quand un groupe de débutants ou de faux débutants démarre un stage de langue anglaise, la premier soin du professeur est de communiquer aux élèves l’impression qu’ils comprennent déjà l’anglais, bien que ce ne soit nullement le cas. A cette fin, pendant les premiers jours, le professeur parle au groupe en anglais avec une voix très forte et répète ce qu’il vient de dire en français en « sous-voix ». Une représentation visuelle de ce processus ressemblerait un peu à ce qui suit :
Good morning, everyone.
Bonjour tout le monde.
We’re in London.
Nous sommes à Londres.
We’re delegates at a conference.
Nous sommes délégués à un congrès.
Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, ce processus, en donnant l’impression aux élèves qu’ils comprennent l’anglais bien avant que cela ne soit vraiment le cas, accélère réellement leur compréhension de cette langue. Autrement dit, le fait de penser qu’on comprend améliore réellement la compréhension et l’accélère).
Le « concert de présentation »
C’est le procédé le plus spectaculaire de la suggestopédie. Le professeur lit un texte nouveau – habituellement rédigé sous forme d’une pièce de théâtre – sur fond de musique classique (Mozart ou Beethoven par exemple). Cette lecture est plutôt surprenante, le professeur synchronisant totalement sa voix sur la mélodie. Il suit la signification affective de la musique plus que le contenu cognitif du texte. Cette présentation « théâtrale » va capter toute l’attention des élèves qui n’auront jamais rien vu de semblable auparavant. La musique va donner aussi une grande autorité au texte que les élèves retiendront d’autant plus facilement ; le fait que le professeur calque spontanément sa lecture sur la musique et les réactions que cela suscite chez les élèves donne à ce « rituel » une vraie dimension interactive.
Le « concert de présentation » touche au cœur même de la suggestopédie, dont l’objet est d’adapter l’apprentissage en fonction de la structure de notre activité cérébrale : il fait appel simultanément à la mémoire à court terme et à la mémoire à long terme.
Rappel : nous disposons de plusieurs mémoires, mais, pour simplifier, nous nous contenterons d’un schéma simplifié qui distingue une mémoire à court terme et une mémoire à long terme. Une représentation visuelle de ce schéma pourrait ressembler à ce qui suit :
Mémoire à court terme
|
Mémoire à long terme
|
C’est par la perception directe que nous accédons à la mémoire à court terme : en général, nous retenons ce type d’informations pendant 3 ou 4 jours avant qu’elles ne commencent à disparaître pour faire de la place aux infos plus récentes.
Par contre, c’est par la perception indirecte (ou périphérique) que nous accédons à notre mémoire à long terme ; d’habitude, nous ne remarquons pas l’arrivée de ces informations et ce n’est que 3 ou 4 jours plus tard que nous en devenons conscients par de vagues impressions successives – comme si un rêve nous revenait peu à peu.
C’est ainsi que le « concert de présentation » alimente simultanément les deux systèmes de mémoire : le fait de lire consciemment le texte et de voir les mots en même temps qu’on surligne le vocabulaire nouveau fait appel à la mémoire à court terme. Le fait de saisir une lecture très émouvante par l’ouïe (perception périphérique puisque l’attention de l’élève est focalisée sur le texte !) fait appel à la mémoire à long terme. Par ce procédé, le concert de présentation assure que, trois jours plus tard – juste au moment où la mémoire à court terme commence à oublier ce qu’elle a appris – la mémoire à long terme prendra le relais.
Une fois que cette lecture est terminée, on vit le « décryptage » du texte qui, sur le plan inconscient, est plutôt un « encryptage ». Traditionnelle en apparence – puisque c’est le professeur qui donne des explications aux élèves – cette phase est l’occasion pour le formateur de tisser des chaînes associatives entre ce que l’apprenant voit pour la première fois et ce qu’il sait déjà.
Exemples d’informations données qui aident à se rappeler du texte appris :
Laughs : en anglais, l’orthographe ne correspond pas forcément à la prononciation anglaise mais plutôt à la prononciation dans la langue d’origine (presque toujours l’allemand, le scandinave ou le français). Chaque fois qu’on voit un gh dans un mot (ex. : neighbour, enough, thought, etc.) ce mot vient de l’allemand (en allemand moderne, le gh sera remplacé par un ch et prononcé avec une consonance gutturale). En anglais, par contre, soit il sera complètement silencieux, soit il sera prononcé comme un f.
- Wednesday : tout comme en français, les jours, en anglais, prennent leur origine dans les noms des planètes ou des dieux. Wednesday s’inspire d’Odin (Woden en anglais), tout comme mercredi nous vient de Mercure.April Fool’s Day : la tradition du jour du poisson d’avril remonte à la tension religieuse qui existait, dans le sud-ouest de la France, entre catholiques et protestants. Un jour, le pape a décidé d’avancer le calendrier catholique d’un jour, ce qui signifiait que quand c’était (encore) le 31 mars pour les protestants, c’était déjà le 1er avril pour les catholiques. Les protestants traitaient les catholiques comme des illuminés, ou des « imbéciles d’avril » puisqu’ils se croyaient déjà en avril alors que tout bon protestant savait pertinemment que ce n’était que le 31 mars.
- Bus : ce mot nous vient du latin « omnibus » qui veut dire (au datif) « pour tout le monde »
- Everybody : version alternative d’everyone (= « tout le monde ») qui, littéralement, veut dire « chaque corps »
- Fashion : déformation du mot français « façon ». Les envahisseurs normands, qui avaient la possibilité de manger de la viande, délaissaient les légumes. Résultat : sans doute une propension plus rapide à perdre leurs dents, et une difficulté ensuite à prononcer le mot comme il aurait fallu, d’où cette prononciation quelque peu… Giscardienne !
- Wharf : signifie « le quai », où arrivent les bateaux. Il vient du mot allemand werfen signifiant « jeter », puisque la première chose que faisaient les équipiers d’un bateau quand il arrivait quelque part était de jeter les cordages pour attacher le bateau au quai. (autre mot anglais pour wharf : jettee qui vient directement du français jeter).
-
Stately : signifie « majestueux » et vient du mot français « état » et, donc « étatique ». Un grand nombre de mots qui commencent par la lettre « s » en anglais sont des mots français qui commencent par la lettre « é ». Des exemples :
étranger |
stranger |
école |
school |
écailles |
scales |
étudiant |
student |
étable |
stable |
épeler |
spell |
… et ainsi de suite.
(mais si cela vous amuse, sachez aussi que presque tous les mots anglais qui commencent par la lette « w » sont des mots français qui commencent par la lettre « g » comme « garantie » qui devient « warranty », « gages » qui devient « wages », « guetter » qui a donné « wait », « gâter » qui a donné « waste », etc.).
Une fois que ce système d’association a été mis en place, l’animateur passe au stade du jeu. Il demande aux participants de regarder le texte et de choisir :
- leur mot préféré
- le mot qu’ils trouvent le plus antipathique
- le mot qu’ils pensent oublier en premier
- le mot qui décrit le mieux la personnalité de l’animateur
- le mot qui décrit le mieux leur personnalité à eux…
Pour chacune de ces tâches, il y a un objectif psychologique particulier, mais il y a aussi un objectif plus global qui s’appuie sur le constat que, quand on demande à un apprenant de relire un texte pour mieux le connaître, le résultat est souvent celui d’une répétition mécanique qui ne sert strictement à rien (et même quand ça sert à quelque chose, ça ne fait appel qu’à la mémoire à court terme). En revanche, quand l’animateur demande aux apprenants de relire le texte avec une intention précise (par exemple, retrouver quelque chose de particulier dans ce texte), l’élève est focalisé sur quelque chose de ciblé, et l’ensemble du texte n’est perçu que de façon périphérique, et va donc plutôt impacter la mémoire à long terme.
Si on s’attarde brièvement sur le but particulier de chacune des tâches proposées, que constate-t-on ?
- Choix du mot préféré : permet de faire d’une pierre quatre coups !
- 1/ on demande à chaque élève de s’investir émotionnellement, devant témoins, en devenant « propriétaire » du mot (ou de l’expression) puisqu’une fois qu’un mot est choisi, personne d’autre du groupe ne peut plus le choisir,
- 2/ on crée, dans l’esprit du reste du groupe, une association entre ce mot et l’élève qui l’a choisi, fournissant à tout le monde un point de repère et une association affective,
- 3/ on permet à chaque élève de participer à cette activité puisque aucune réponse ne peut être fausse. Donc, personne ne devrait avoir peur de répondre,
- 4/ Cette activité permet aussi à l’animateur de prendre la température du groupe. Par exemple, un élève « en révolte » répondra, typiquement, « mon mot préféré est the ». L’animateur sera, bien entendu, obligé d’accepter cette réponse, mais il prendra aussi note en même temps que cet élève peut avoir besoin de faire l’objet d’une attention particulière.
- Choix du mot le plus antipathique :
- Il va autoriser les participants à déclarer en public qu’ils n’aiment pas certaines choses. Et cela peut apporter un peu de « tension ludique » dans la mesure où un apprenant peut détester un mot qu’un de ses camarades de classe… adore.
- Choix du mot qu’ils pensent oublier en premier :
- C’est de la « déprogrammation pure et dure » : une fois que l’élève a annoncé qu’il va oublier tel ou tel mot devant le groupe, il est peu probable qu’il l’oublie réellement – surtout, si l’animateur, en faisant semblant d’avoir oublié quel mot chacun allait oublier, demande, à l’élève, confirmation à plusieurs reprises du mot dont il est censé ne se rappeler jamais.
- Choix du mot qui décrit le mieux l’animateur :
- Il y a deux objectifs :
- 1/ la permission, donnée par l’animateur aux participants, de se sentir libre à son égard (et la déclaration implicite que l’animateur voudrait être apprécié pour ses compétences réelles et son utilité pour le groupe et non pas pour sa position statutaire) est supposée amener une atmosphère de plus grande ouverture,
- 2/ Il y a là un feedback (sous forme ludique, bien entendu) pour l’animateur sur la manière dont il est perçu par le group
- Choix du mot qui décrit le mieux les élèves eux-mêmes :
- C’est une invitation à se dévoiler un peu (voire à se cacher en choisissant quelque chose de passe-partout !).
Autres activités
« suggestopédiques »…
Lonny divise le groupe en deux, au prétexte d’une pseudo recherche scientifique visant à prouver que les élèves qui sont à côté de la fenêtre sont toujours plus intelligents que ceux qui s’installent à côté du mur… Assez rapidement, le groupe comprend que cette « introduction » n’est qu’une mise en scène ludique, et personne ne risque ainsi de se sentir visé.
Une fois que la division du groupe (entre les « plus intelligents » et les « moins intelligents ») est opérée, l’animateur commence à lire un texte en laissant un blanc de temps en temps. Les élèves sont invités à trouver le mot manquant. Chaque fois que quelqu’un donne une bonne réponse, son équipe gagne un point. Voici le texte :
HE WHO LAUGHS LAST ________ BEST
Wednesday, April 1, 2006
(April ________ Day)
Alice has________ a bus to take everybody to a ________ show
They___ ___ ___ the Exhibition Hall on Fisherman’s______.
R.P. What a city !
E.S. I’m in love with San Francisco.
L.W. The ________ roads and Victorian _______.
H.W. Their ______ pastel shades _______ with bright colors.
R.P. And the ______ interiors, furnished with the most exclusive _______ furniture.
B.P. A far _______ from the ________ in Los Angeles
E.S. San Francisco’s an ________ mixture of high-rise buildings, _______ private _______
and natural beauty.
L.W. And the ________ on the Pacific!
L.A. These hills make me ________.
E.S. Lou misses his Arizona ________.
L.A. Don’t get me _______. I love being here. Apart from the _______ – _______ and earthquakes, I feel very at home here.
B.P. Don’t worry, since 1907, the buildings here have been ______- proof.
Il faut préciser que le professeur s’efforce de rendre cette compétition aussi passionnante que possible en se comportant comme un commentateur sportif, trichant en faveur de chacune des équipes à différents moments, changeant le système de décompte des points à plusieurs reprises, avec des erreurs de manipulation tellement grossières que personne ne peut prendre ce concours – et encore moins la théorie « scientifique » que ce concours est sensé démontrer – au sérieux !
Ensuite, le professeur distribue le texte écrit ci-dessus pour que les élèves puissent jouer le même jeu en binôme. Lorsque les plus rapides sont sur le point de terminer, l’animateur s’assied par terre et invite les participants à se regrouper autour de lui.
La première réaction des élèves les moins rapides est de demander quelques minutes de plus pour pouvoir terminer l’activité précédente, mais l’animateur insiste pour que l’on enchaîne : « venez, on a encore tellement de choses à faire ».
Le fait de ne pas laisser finir une activité (sauf pour les sketches que les participants présentent devant tout le monde) fait partie intégrante de l’approche. Dans un cours classique, le professeur présente une activité ; les élèves travaillent en binôme ou en sous-groupes ; l’énergie monte, plafonne et redescend ; l’activité s’achève et le professeur présente une deuxième activité. Si les élèves disposent d’assez de volonté (et de bonne volonté, surtout) pour retrouver de l’enthousiasme pour une deuxième activité, celle-ci suivra la même courbe que la première. Mais, le plus souvent, tout le monde finira par se sentir épuisé, après avoir fait preuve de bonne volonté pendant cette séquence.
C’est précisément pour éviter ce phénomène, que l’approche suggestopédique interrompt une activité à 70% de son état d’achèvement ; juste au moment où l’énergie commence à baisser, l’animateur intervient avec une autre proposition qui semble être le prolongement de la précédente, mais qui débouchera très souvent, de façon imperceptible, sur quelque chose de nouveau.
Et même si cette pratique peut entraîner chez quelques uns un petit sentiment de frustration (puisqu’ils n’ont pas pu dire tout ce qu’ils auraient voulu), l’effet est globalement positif puisqu’ils passent à la nouvelle activité avec une sensation de « trop-plein » plutôt qu’avec une sensation de « trop vide ». De plus, la légère pression que les élèves ressentent face à la limitation de temps les amène à fonctionner à 120% de leurs capacités habituelles, ce qui correspond à « l’état de fluidité » (flow state) mentionné plus haut, où le cerveau est suffisamment mobilisé et occupé pour n’admettre aucuns parasitage ou interférence.
Rappelons-nous maintenant que nous avions laissé notre animateur par terre. Il présente des transparents en couleur qu’il invite les élèves à regarder avec lui. Assez rapidement, ceux-ci abandonnent l’activité précédente pour se joindre au professeur, et passer à la nouvelle activité proposée. Voici ce qu’ils peuvent lire sur les transparents :
TRANSFORM INTO IDIOMATIC ENGLISH
We rented a bus.
The first of April is called ______ ______ ______.
They left for the meeting.
I love these twisty roads.
They live in a big, luxurious, expensive house.
She wears pale and unostentatious colors.
There are different colors of green in the forest.
The cake was surrounded and outlined with angels.
The insides of the house were majestic.
The rooms were decorated with antiques.
This bookcase is very refined and expensive.
Herb tea is a million miles away from coffee.
He lives in one of many similar houses on a lot.
His performance was unlike anything ordinary.
That house is very old fashioned and charming.
She has a great place for individuals to live.
Three drinks make me feel funny and lose my balance.
Don’t misunderstand me.
He saw the violent shaking of the ground.
I feel very comfortable in your living room.
Dans un premier temps, chacune de ces 20 phrases – dont l’objet est de découvrir une tournure nouvelle – est présentée une par une sur des feuilles de papier de couleur. Le professeur les montre donc les unes après les autres et les élèves prononcent, à haute voix, la formulation recherchée aussi rapidement que possible (activité collaborative, donc non compétitive).
La cadence est très rapide, mais ceci n’empêche pas l’animateur de refaire le même jeu deux fois plus vite coup sur coup, juste avant de distribuer une feuille qui récapitule l’ensemble des formules comme ci-dessus.
Encore une fois, les élèves ont à peine eu le temps de tout faire quand l’animateur intervient pour leur parler d’un problème qu’il a eu avec la photocopieuse dans la matinée. Il paraîtrait que la photocopieuse aurait été dans de très mauvaises dispositions, et aurait essayé de saborder la démonstration prévue en faisant exprès des fautes d’orthographe ! Aussi, l’animateur est-il extrêmement ennuyé parce qu’il n’arrive pas à retrouver le texte d’origine, dans sa forme d’origine.
Il lit, ensuite, à haute voix, la version déformée (par la photocopieuse, bien entendu !) en demandant aux élèves de l’aider à la reconstituer dans sa forme originelle. Assez rapidement, tout le monde se rend compte qu’il y a là encore une mise en scène orchestrée par l’animateur, et « marche » dans la combine avec beaucoup de plaisir.
Le texte lu était le suivant :
HE WHO COUGHS LAST LAUGHS WEST
Sunday, April 1, 2006 (April Schools’ Day)
ON A BUS
Alice has bartered a bus to take everybody to a passion show. They set out for the Juxtaposition Hall on Fisherman’s Wharf.
R.P. What a pity!
E.S. I’m in love with San Francisco.
L.W. The blinding toads and Victorian mansions.
H.W. Their nude pastel maids trimmed with bright colors.
R.P. And the stately inferiors, furnished with the most elusive antique furniture.
B.P. A star fly from the Abyssinians in Los Angeles.
E.S. San Francisco’s an outstanding fixture of first prize buildings, faint private spellings and natural beauty.
L.W. And the fun regrets on the Pacific!
L. A. These bills make me fizzy.
E.S. Lou kisses his Arizona desert.
L. A. Don’t get me wrong. I love being here. Apart from the stable bars and earthquakes, I feel very at home here.
B.P. Don’t worry, since 1907, the buildings here have been birth quake-proof.
Remarque sur le texte à erreur
La suggestopédie est une pédagogie de la réussite. Le professeur place en permanence ses élèves devant des défis qu’ils ne pensent pas pouvoir réussir – et ils réussissent. Mais, pour cela, les activités doivent être construites et orchestrées avec beaucoup de psychologie et de finesse. Si vous examinez de près le texte ci-dessus, et que vous le comparez avec l’original, vous constaterez que presque toutes les formules erronées riment avec la bonne formulation recherchée, ce qui facilite, évidemment, la tâche des élèves. Leur réussite est ainsi, en quelque sorte, encastrée dans l’architecture du jeu.
En toute probabilité, beaucoup de mots erronés seront des mots que les élèves n’auront jamais rencontrés auparavant – et ceci est primordial pour respecter un autre principe de base de la suggestopédie : il est néfaste pour l’élève – et pour le processus d’apprentissage – d’activer des connaissances passives sans remplacer les connaissances nouvellement activées par d’autres connaissances passives. Un manque de connaissances passives serait gravement nuisible au fonctionnement de l’inconscient puisque c’est là que se forgent toutes les connexions importantes qui permettent les flashes intuitifs et la créativité. C’est notre inconscient qui traite tout ce que nous emmagasinons, qui détecte les schémas que nous connaissons déjà et qui fait des liaisons entre des événements là où a priori il n’y en aurait pas.
Une fois que le texte erroné a été corrigé oralement par l’ensemble du groupe, l’animateur distribue la feuille contenant les erreurs pour que, par sous-groupe de trois personnes cette fois, tout le monde puisse s’en rappeler les corrections. Ce procédé qui consiste à tout centrer sur le professeur dans un premier temps, et, ensuite, à faire participer les élèves en sous-groupes, de façon relativement autonome, correspond à un autre principe suggestopédique de base : ne jamais demander à un apprenant de produire quoi que ce soit pour lequel il n’a pas eu de modèle, de manière à ce qu’il ne se sente pas en difficulté. Mais dès qu’un modèle a été proposé, l’élève est sensé en prendre possession de manière aussi indépendante que possible.
La phase Transposition
Cette phase donne l’opportunité aux élèves d’utiliser tout ce qu’ils ont appris, de façon très structurée mais avec un peu plus de liberté. L’activité proposée consiste à mettre les élèves en binômes et à donner à chacun une grande carte postale différente de la ville de San Francisco. Mais pour que cette activité soit une véritable occasion de mettre en pratique le vocabulaire nouveau, il y a deux conditions préalables à réunir :
- Les expressions nouvelles (ex. : winding roads, subdued pastel shades, etc.) doivent être inscrites au paper-board où elles peuvent être vues de tout le monde. La façon la plus amusante de constituer cette liste est, sans doute, de demander à tout le monde de venir au tableau pour y écrire leurs expressions préférées.
- Pour donner du sens à cette activité, la consigne est donnée que les participants recevront un point chaque fois qu’ils utilisent une expression figurant sur la page étudiée. En réalité, personne ne s’occupera de calculer les points, mais sans cette instruction claire, l’animateur sera désagréablement surpris d’entendre des phrases comme « the sky is blue », « it is a nice day », « I can see a car », etc. – phrases pour lesquelles il n’était pas nécessaire de suivre le cours qui a précédé !
Dans un groupe où les participants se connaissent déjà un peu, et où il existe une confiance mutuelle, la phase transposition comprend habituellement des sketches ou des saynètes que différents participants préparent et présentent devant les autres. Cependant, les sketches ne sont presque jamais utilisés en représentation devant un public que l’animateur ne connaît pas bien.
Le concert de relaxation
Selon le docteur Georgi Lozanov, médecin-psychiatre et créateur de la suggestopédie, le concert de relaxation devrait intervenir tout de suite après le concert de présentation (voir plus haut). Cependant, au début des années 1980, nous avons constaté (avec une équipe de 10 professeurs travaillant à l’Ecole Française de Suggestopédie à Paris) qu’avec un public français, le concert de relaxation était plus apprécié, et surtout plus efficace, quand il servait de récapitulation en fin de journée.
A la différence du concert de présentation, cette récitation du texte se fait sur fond de musique baroque, surtout du baroque flamboyant, composée entre 1700 et 1750. L’animateur laisse à la musique le temps d’induire un état de détente – ce qui, sur un plan neuro-physiologique, correspond à une baisse de l’activité cérébrale. Concrètement, cela se traduit par une baisse de la fréquence hertzienne émise par le cerveau (en l’occurrence, on passe d’une fréquence de 18 à 23 Hertz – les ondes Beta – à une fréquence de 8 à 12 Hertz – les ondes Alpha).
La raison de ce changement neuro-physiologique provient de la structure de la musique qui est polyphonique. De même que nous n’arrivons pas à suivre simultanément 7 conversations différentes lors d’une soirée mondaine, il est impossible pour le cerveau humain de « maîtriser » 3 ou 4 voix qui évoluent, chacune, sur une trame différente. La seule réponse possible de la part du cerveau face à cette surcharge perceptuelle est de lâcher prise et c’est ce lâcher prise qui induit le ralentissement souhaité.
Ce que peu d’animateurs – et encore moins de professeurs – semblent en mesure d’apprécier, c’est que les ondes Bêta sont propices à la productivité, mais pas du tout à l’assimilation de choses nouvelles. Les ondes Bêta représentent un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, comme quand on a un projet en tête, et qu’on veut l’imposer autour de nous. Les ondes Alpha, par contre, représentent un mouvement de l’extérieur vers l’intérieur et, dans le meilleur des scénarios, on parvient, dans cet état, à faire le vide de tout ce qui peut nous préoccuper par ailleurs – nous percevons alors avec acuité les informations et les impressions du monde extérieur que nous assimilons au reste de notre vécu.
L’animateur laisse le temps à cette musique (la même que nous entendons toujours l’église) d’induire un état de détente, et, après quelques minutes, il relit le texte sur un ton grave, mais avec des intonations naturelles, sans trop s’occuper de la musique. Avant et après cette séance, l’animateur fournit toutes les consignes habituelles à une séance de relaxation.
Et c’est ainsi que la partie application concrète de la Suggestopédie à un cours de langue s’est achevée *
Autres jeux
Deux autres jeux applicables à tout domaine ont fait l’objet d’une démonstration :
- le premier jeu était un jeu dit d’accumulation. Tout le monde est debout, en cercle. Une première personne, en possession d’un ballon, donne une information, puis jette le ballon à une deuxième personne ; celle-ci répète l’information donnée par la première, et y ajoute une information nouvelle. Ensuite, elle lance le ballon à une troisième personne qui restitue les deux premières informations avant d’en ajouter une autre. Et ainsi de suite.
- Un autre jeu présenté vise les situations où l’ordre dans lequel on doit enchaîner des procédures est primordial. Chaque participant reçoit quatre cartes avec différents éléments dessinés sur la carte : une allumette, un gâteau d’anniversaire avec des bougies, et de la dynamite. Si le bon ordre est respecté, c’est-à-dire si la personne positionne bien ses cartes, celle-ci va allumer les bougies du gâteau. Si, par contre, il y a erreur dans l’ordre, elle allumera… la dynamite. Ce deuxième jeu a pour finalité de juxtaposer la signification affective des choses et des notions conceptuelles.
Séance des questions
Pendant plus de quarante cinq minutes, les participants ont posé des questions, parfois brillantes, et je ne peux qu’espérer que les réponses étaient à la hauteur. Malheureusement, je ne les ai pas notées – et encore moins les réponses – pensant que Dominique Paty s’en chargeait. Et puisqu’il ne s’en est pas chargé, je le charge !
Commentaire de Dominique Paty : on n’est jamais si bien trahi que par les siens !